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Libération

Au cinéma, une oeuvre fulgurante

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publié le 19 mars 2002 à 22h38

En Créon, dans l'OEdipe roi de Pasolini, Carmelo Bene crevait littéralement l'écran. C'était au début de l'année 1967 et Pier Paolo Pasolini avait immédiatement ressenti l'incroyable énergie que ce corps «en trop» pouvait apporter au cinéma. Les expériences de Bene avaient déjà changé la face du théâtre italien; elles allaient désormais transformer le rapport de nombre de cinéastes à leur art. A la Mostra de Venise, en 1968, deux films italiens choquent et bouleversent les critiques: Partner de Bertolucci, que le monde du cinéma connaît déjà, et Notre-Dame des Turcs de Carmelo Bene, qu'il découvre. Le film remporte le Prix spécial du jury et dessine, d'emblée, l'une des trajectoires les plus fulgurantes et radicales du cinéma moderne. Bene a adapté le roman dont il est l'auteur: entre rêve baroque et cauchemar halluciné, séduction sensuelle et provocation agressive, pellicule brûlée et mise en morceaux, ce film qui ne ressemble à aucun autre relate le massacre de la population d'Otrante par les Ottomans. Coup sur coup, en six ans, Bene propose ensuite une oeuvre courte et intense, diamant brut jamais taillé, immédiatement maudite: Capricci (1969), Don Juan (1970), Salomé (1972), Un Hamlet de moins (1974). Il écrit, il tourne, il joue, et insuffle surtout à son petit monde un trépignement de tous les instants, puisé dans les regards fous d'Artaud, dont il serait comme le continuateur médiumnique. Une part du cinéma, de Rivette à Garrel, de Cronenberg à Lynch, n'aurait pas att