Abolfazl Jalili, comme tous les cinéastes iraniens, a des motifs. Des motifs à piquer des colères, que l'on imagine nombreuses, contre son pays, contre ses autorités. Dans ses dix films, cela le travaille : un enfant qui ne cesse de courir, envers et contre tout. Et qui, à galoper de la sorte, finit par arpenter la moindre parcelle d'un territoire aussi géographiquement vaste que riquiqui pour celui qui ne tient pas en place. On finit par donner un sens à cette course, les films (Danse avec la poussière, Don) s'ajoutant les uns aux autres, telles des bornes kilométriques, épuisant la figure, l'accélérant, l'entêtant, tandis que jamais la poussière ne retombe. Ce ne serait que ça, Jalili aurait la palme de la persévérance mais aussi de la monotonie. Il vaut mieux : depuis Kiarostami, c'est le cinéaste iranien dont les films commencent à former une oeuvre, évolutive, pleine de magnétiques promesses.
Patchwork. Delbaran est sans doute son film le plus émouvant. Par l'assurance du trait, Jalili donne enfin confiance à son style, accordant à son ressentiment une place moins importante qu'à l'invention proprement dite. On a décrit ses plans comme des bouts de tissu destinés à composer un patchwork. Quand ça ne marchait pas entre les images, on se disait qu'il se prenait les pieds dans son propre tapis. Cette fois, l'autonomie de ses plans est intacte, l'ensemble tient avec force et, pour la première fois, ses images entrent en querelle avec les sons, déplaçant sa colère vers un lyr