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Libération
Critique

Déprime aux heures de bureau

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publié le 28 mars 2002 à 22h43

Face à face derrière leurs bureaux, deux bureaucrates discutent du cas d'un homme debout contre la fenêtre ouverte sur un ciel de crépuscule, immobile, silencieux, tête dans les épaules. Ils en discutent comme s'il n'était pas là. D'ailleurs, manifestement, il ne les écoute pas, tout à son projet qui serait moins de décider s'il va se jeter dans le vide que quand et comment.

Clowns en cravate. Les pensées des deux bureaucrates suivent leur cours, comme des machines mises en marche, et qui normalement devraient fonctionner en harmonie. Mais il a dû se passer quelque chose : elles se décalent. Un retard peut-être dans le déclenchement initial. Ou les problèmes des lampes à la lumière chiche, qui ne cessent de s'éteindre, de sorte que voilà les deux clowns en cravate obligés de changer de place, se cognant, tombant, s'approchant du suicidé en puissance pour vérifier allez savoir quoi.

Bref, nous voilà plongés en plein dans le noir et le saugrenu, au coeur du monde de Samuel Beckett, en osmose avec des personnages tellement désarmés, enfermés dans leurs préoccupations minimes, si à côté de la plaque que, malgré leur mesquinerie agressive, il est impossible de les rejeter. Ils sont bien trop humains, et puis impitoyablement drôles.

Avec Jérémy Hastings à la fenêtre, Gilles Arbona et Hervé Briaux (dirigés par Annie Perret, formidables tous les deux) dispensent sur la miniscène du Petit Odéon un étrange désarroi qui prolonge l'ambiance du prologue : l'un paralytique et l'autre aveugle