Cela fait maintenant quinze ans que critique et public ont découvert la mezzo androgyne Anne Sofie von Otter, sa voix boréale, lumineuse dans Mozart et Schubert qui ont fait sa gloire. Une voix capable de virtuosité baroque, comme l'a prouvé l'Ariodante de Haendel enregistré avec Marc Minkowski en 1997 (un record de ventes pour Deutsche Grammophon), mais également de sensualité postromantique, que ce soit dans Mahler, qu'elle sert avec la mélancolie vénéneuse de Christa Ludwig, ou Korngold, auquel elle a consacré un double album crépusculaire, étourdissant comme une rare absinthe. Néron lunaire à Aix, Chérubin impeccablement diaphane au Met, on sentait la vocaliste déterminée ces dernières années à tordre le cou à son image de cygne distant et à mobiliser toutes ses forces pour réchauffer ce timbre capable de passer de l'éclat nordique au gothisme le plus dense. Après s'être décoincée avec Elvis Costello, le temps d'un For The Stars remarqué, la von Otter a fini par se lâcher, offrant en décembre dernier au Châtelet avec Minkowski un récital Offenbach pétulant, occasion de camper une galerie d'héroïnes burlesques et dégourdies qui fera le succès d'un DVD à paraître ce mois-ci.
Il y a un mois, au Wigmore Hall de Londres, Anne Sofie von Otter séduisait son auditoire de compositeurs nordiques et de Schubert plus connus. Puis, retrouvant sa voix jonquille pour des airs de Chaminade filant comme l'eau claire, elle s'attaquait à Kurt Weill, avant de disjoncter sur des mélodies amér