La sonnette résonne dans l'appartement, près du musée Picasso à Paris, où la photographe Denise Colomb est installée dans son fauteuil, cheveux sagement tressés, décorations à la boutonnière. Elle vient de fêter ses cent ans (née le 1er avril 1902) au cours d'une exposition-hommage à la galerie Albert Loeb. Denise Colomb n'entend plus bien, mais parle clair, ponctuant ses phrases de «hm hm hm» moqueurs lorsqu'elle évoque le passage à l'horaire d'été, qui lui fait «perdre une heure de [sa] vie».
Le mari et les frères. Son mari, Gilbert Cahen, épousé en 1926, est mort il y a deux ans après trois quarts de siècle de vie commune. En 1935, alors qu'ils s'embarquaient tous deux pour l'Indochine Gilbert prenait le poste d'ingénieur du génie maritime , c'est lui qui trouva à Denise son premier appareil photo, «un Super-Nettel avec un objectif Zeiss 50 mm», en détaxe à Port-Saïd. Jusqu'à leur retour, en 1937, Denise allait envoyer d'Indochine à ses parents des lettres et photos. Ainsi ce voyage à Angkor, où elle partit en auto avec sa belle-soeur photographe, Thérèse Le Brat, logeant dans la «maison du voyageur» et se baignant «dans un étang près d'un temple, auprès des buffles». Aujourd'hui, lettres et photos sont réunies dans d'épais volumes à couverture ornée d'un morceau de jupe laotienne.
Chez elle, Denise Colomb est entourée d'oeuvres de ses amis artistes qu'elle a photographiés (Vieira da Silva, Arpad Szenes, Soulages, Bazaine) et de trois belles peintures sur écorce de Nou