Il est plutôt réjouissant de constater que les choses ne sont pas toujours à leur place, pas si bien rangées que cela dans un ordre censé répartir les rôles et préserver les territoires. Parce qu'il s'appelle Jan Fabre, Flamand connu pour ses performances, ses spectacles de huit heures, son Sang répandu l'été dernier sur les murs de la Cité des papes, il est au Théâtre de la Ville. Mais, intitulé le Lac des Cygnes et dansé par le Ballet royal de Flandre, son spectacle pourrait être invité par l'Opéra... Au Théâtre de la Ville, il est assez rigolo de voir se côtoyer, non sans crispations, les «balletomanes» et les «piècesomanes».
oeil de hibou. Le Belge n'a jamais caché son penchant pour l'organisation classique des formes, qu'il utilise à sa façon, les juxtaposant par exemple à des inspirations plus carnavalesques ou des mascarades. Fabre n'est pas Balanchine mais il procède comme lui : pas de relecture décapante de l'oeuvre de 1895, de Petipa et d'Ivanov, pas de parodie, pas de reconstitution non plus. Il se sert dans le répertoire pour créer sa propre syntaxe, redessine parfois un petit détail avec les interprètes, un mouvement, déterminant son propre rythme. Cela n'efface pas l'oeuvre originelle, cela ne la rafraîchit pas non plus. Cela ne la commente pas, mais la replace dans une autre perspective, la transporte «post mortem», comme le dit Jan Fabre, par le trou noir de cet oeil de hibou projeté sur le rideau de scène, lieu de naissance de la femme-cygne, après qu'on a vu