La disparition, lundi 8 avril, de Jean Pouillon, ethnologue au laboratoire d'anthropologie sociale du Collège de France, aura été aussi discrète que sa vie, celle d'un homme qui fut de tous les combats politiques, de toutes les entreprises intellectuelles, mais qui préféra toujours faire écrire plutôt qu'écrire, solliciter, accueillir, rester dans la pénombre et jouer là le rôle de passeur. Il avait deux maîtres et deux amis : Jean-Paul Sartre et Claude Lévi-Strauss.
«Garde sartrienne». Fils de polytechnicien, né à Paris en 1916, Jean Pouillon aurait dû avoir Sartre comme professeur au lycée du Havre dès la rentrée 1933-1934, si celui-ci n'avait eu une bourse pour aller à Berlin parfaire sa connaissance de la phénoménologie de Husserl. Il eut Raymond Aron. Il fera la connaissance de Sartre deux ans après, grâce à Jean Bost, et sera dès lors l'un des membres les plus fidèles de la «famille», de la «garde sartrienne». Devenu à son tour professeur de philosophie (à Nancy et à Paris, au lycée Charlemagne), il quitte son poste en 1946, écrit Temps et roman (Gallimard) et devient rédacteur des comptes rendus analytiques de l'Assemblée nationale, fonction qu'il assurera jusqu'à sa retraite en 1981.
Ne travaillant que pendant les sessions parlementaires, Jean Pouillon se lance dès le début, avec Maurice Merleau-Ponty, Raymond Aron, Michel Leiris, Jean Paulhan ou Simone de Beauvoir, dans l'aventure de la revue Temps modernes. Il déclarait à Libération en 1993 que les grands moments des