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Libération
Critique

«Liliom», le manège tragique de l'amour

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publié le 16 mai 2002 à 23h29

Un idéogramme noir sur un écran blanc, silhouette réduite à un rond, pour la tête, au-dessus d'un rectangle allongé, le corps. Un homme entre, pendant plusieurs minutes il regarde et se tait. C'est Liliom, joué par Peter Kurth, héros de la pièce de Ferenc Molnar, écrite en 1901, vue par Michael Thalheimer, metteur en scène allemand quadragénaire ­ qui reconnaît ses maîtres en Einar Schleef, Franck Castorf, Christoph Marthaler et même Bob Wilson, tout au moins pour la pureté de l'image. Il est l'invité du Théâtre national de Strasbourg (TNS) à l'Opéra du Rhin. Avec une précision tranchante, sans la moindre trace de sentimentalisme, il dirige ses acteurs, tous étonnants, en particulier Fritzi Haberlandt (Julie et Louise). Cette histoire d'amour ratée dans l'univers instable des forains, il la resserre et la transpose en un futur immédiat.

Pas de flonflons. Liliom regarde aujourd'hui, imagine demain et c'est glaçant. Ici, pas de flonflons, pas de lampions, pas de «tournez manèges». Par contre, le décor tourne, cube blanc aux parois lisses sans porte, juste ouvert sur le public, de temps en temps strié par le tourbillon affolé d'une signalétique indiquant ce qu'on doit faire, ou pas : «sortie escalier», «voie unique», «interdit de fumer»...

Dans ce monde géométrique balisé à l'extrême, sans cares ses, se débattent des humains aux attitudes artificielles, simplifiées, stéréotypées, tirées des bandes dessinées. Ils sont incapables de se toucher, sinon pour se cogner, incapables d'ex