Essaouira
envoyée spéciale
Le crépuscule rosit les remparts, les projecteurs font à la scène un diadème. 80 000 personnes jeunes, touristes, femmes en foulard... noircissent l'esplanade devant la porte Bab Sbâ, dansant, frappant des mains, hurlant les refrains. Pour ce concert final du Festival de musique gnawi, dimanche après-midi, le batteur algérien Karim Ziad a réuni tous les participants de son projet Ifrikiya. Bojan Z, au clavier, plaque une gigue furieuse ; Aziz Sahmaoui, de l'Orchestre national de Barbès, gouale une complainte soufie ; les B'net Houariat, un groupe de femmes percussionnistes venues de Marrakech, enflamment le rythme ; puis c'est Jean-Philippe Rykiel («le plus africain des claviers français») qui déroule une impro extatique.
Houle des mains. C'est au maître gnawi Michin, frais comme un gardon sous son auréole de cheveux gris, que revient l'honneur du barouf final, emportant la foule dans une frénésie ternaire. Et tandis que le ciel sombre, enveloppant d'irréalité la presqu'île magique, on voit deux jambes et un tronc flotter au-dessus des têtes, un stage-diver halluciné du cru avalé à mi-corps par la houle des mains, des regards et des chevelures.
Pour sa quatrième édition, le Festival gnawa d'Essaouira a rectifié le tir, quelque peu dévié l'an dernier : Cheb Mami avait, il est vrai, drainé une foule record de 200 000 personnes, mais il avait du même coup éclipsé les gnawas... Le festival pouvait-il faire le plein sans une tête d'affiche de sa trempe