Leur récital simplissime les présente assis en tailleur sur un tapis, façon école coranique, portant robe et pantalon à mi-mollet. Ils jouent d'un ou deux harmoniums anglais, d'un tabla frappé telle une derbouka et de leurs mains, claquées comme dans le flamenco. Leur «show», c'est le chant, souligné par le balancement du buste, un doigt pointé vers le ciel. Une dévotion qui commence en supplique à Allah, à son prophète, à son gendre. Puis le murmure de ruisseau enfle en volutes, éclate en orage libérateur. C'est le qawwali, ferveur soufie inventée dans le sous-continent indien par le poète prêcheur Amir Khusrau (1253-1325).
De Lahore. Le bouddha magique du Pakistan Nusrat Fateh Ali Khan (1948-1997) est déjà au ciel, récompensé pour avoir popularisé le qawwali et d'autres artistes du gospel indo-pakistanais, notamment ceux de la nouvelle génération, comme Asif Ali Khan. Asif, 29 ans, dirige déjà le Santoo Khan Qawwal & Party, chorale fondée il y a quatre-vingts ans en Inde, à Amristan, par son arrière-grand-père, Mian Maula Bakhsh. Comme des millions de musulmans indiens, la troupe a émigré en 1947 au Pakistan qui venait de naître de sa partition d'avec l'Inde. Depuis, le ressentiment entre les deux pays ne s'est guère estompé, alors que le qawwali prospère de chaque côté de la frontière.
Le Santoo Khan Qawwal, du nom du grand-père d'Asif Ali, disparu en 1989, s'est installé à Lahore, ancienne capitale de l'empire moghol, aujourd'hui ville sans attrait hormis celui du palais d