A peine The Bellrays, sorte de bulldozer métallisé conduit par Liza Kekauda, une Tina Turner en surrégime, achèvent-ils d'escamoter le mur du son, qu'une lumière concentrationnaire vient aveugler le public au-devant de la scène où Noir Désir va bientôt se produire. Pour cette première soirée du Rock dans tous ses états d'Evreux, ce sont eux que les 10 000 spectateurs sont venus voir. Déjà, lors de leur premier passage, en 1997, l'engouement avait convaincu les organisateurs de préférer la vaste esplanade de l'hippodrome voisin à la salle exiguë du centre-ville. Cinq ans, un disque et quelques kilos plus tard, les Bordelais reviennent goûter à la fraîcheur nocturne de la Normandie, particulièrement vivace vendredi. Une performance qui ne fait pas l'unanimité dès les premiers morceaux : trop timorés pour certains, trop distants pour d'autres, impeccables néanmoins pour beaucoup, les Noir Désir jouent à contre-temps et délaissent une partie de leur répertoire, pour l'essentiel les titres les plus explosifs.
Cantat posé. Bertrand Cantat, immobile et cérébral, récite des pans entiers de texte d'une voix monocorde, seulement rejoint par des vaguelettes de samples, baigné dans une lumière de terre battue. Des visages des figures se déclinent en grande partie dans cet ascétisme inattendu, en lieu et place d'un gros son viril que tout le monde semblait attendre, forcément efficace dans le contexte d'un festival. Cantat préfère poser sa voix sur le mince équilibre des