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Libération
Critique

«Silenzio», on est tourneboulé

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publié le 10 juillet 2002 à 0h21

Devant le mur austère d'une cour de lycée, Pippo Delbono raconte la désolation qui, en 1968, s'est abattue sur la ville de Gibellina, détruite par un tremblement de terre. Il dit cet instant où tout s'arrête. Silence de mort, inaccepté, bientôt débordé par les paroles, les cris, les chants siciliens ou les tubes de l'époque qui, tout au long de la représentation, entre les rugissements de la terre en colère, ponctuent «la lutte de toute une vie anéantie en une heure». Tout est bon pour Pippo Delbono, même les chansons mièvres, dès lors qu'il s'agit de mots d'amour. Avec lui, rien n'est jamais d'un seul trait. Il parle du fond de la nuit, mène le jeu et les personnages, les fait surgir lorsqu'à elles seules, les paroles ne suffisent plus à traduire le désarroi. Les danses, larmes, fantasmes, blagues, plaintes, révoltes, tout se percute, fait naître d'étranges étincelles désordonnées.

Discours gesticulés. Le désarroi ne fait pas long feu, le théâtre intervient par sketches, prend les clichés siciliens à bras le corps : dîner haute société présidé par un évêque, avec discours muets mais gesticulés. Mafieux en lunettes noires marchant à genoux pour se trouver à la hauteur de Bobo, l'homme rétréci des Barboni ­ la drôle de troupe rassemblée par Delbono (Libération du 6 juillet), puis guignolesque match de boxe arbitré par un clown blafard, pres que déjà un fantôme.

Pippo Delbono ne court pas après la virtuosité, ignore le virtuel. Il fait agir les corps vivants de ses acteurs tels