La lourde porte grince. Derrière le vieux battant de fer, encombré de gravures, l'air est différent. Des caveaux de guingois, des tombes lisses et moussues, le temps a effacé les épitaphes. La foule entre en silence, ne sait trop où se mettre. L'endroit est si petit, quelques mètres carrés adossés à l'église Saint-Pierre, juste derrière le Sacré-Coeur de Montmartre. Fermé depuis presque deux siècles, le cimetière du Calvaire est la plus vieille nécropole de Paris. Cimetière fossile, il a dans son sol des corps dont on a perdu la trace et d'autres qui n'ont plus de nom. Un charnier, des enfants mort-nés, des Russes, des Français, des aristocrates, de simples artisans dont il ne reste rien. On marche sur la mort.
Il était une fois... Le cortège intimidé s'assoit dans la poussière, au milieu des croix et des mauvaises herbes. Une petite femme au chignon gris se faufile. Elle regarde autour d'elle : des visages ridés, quelques jeunes moulés dans des jeans siglés. Pas un bruit. «Il y a beaucoup de gens que j'aime dans cet endroit.» Elle tend le bras. «Là-bas, Jacques Guibout qui protégea Louis XVI lors de l'émeute de juin 1792. Ici, la famille Debray. On dit que Pierre Charles a défendu son moulin contre les cosaques jusqu'à son dernier souffle. Les hussards l'auraient coupé en quatre et planté sur les ailes de l'engin.»
Le décor s'efface, le public attend. Il était un corps rejeté par la mer. Il était un enfant qui recouvrait les os de chair. Il était un cheval dont les yeux lança