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Libération

Le bourg lettré

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A La Cadière-d'Azur, ce sont les habitants qui élisent le meilleur premier roman de l'année.
publié le 8 août 2002 à 0h37

La Cadière-d'Azur (Var)

envoyé spécial

Jeter une pile de livres au milieu d'un village n'est pas un acte anodin. La fracture sera immédiate : il y aura ceux qui liront, et ceux qui n'auront «pas le temps». Le haut et le bas, selon la terminologie du moment. Mais la ligne de fracture peut avoir un tracé plus complexe.

Prenez La Cadière-d'Azur, bourg varois perché au-dessus des vignes, des cigales et du temps qui passe. Le maire est communiste, le vin est de Bandol. L'un des trois médecins du village est un lecteur vorace. La journée du Dr François Dufour, 47 ans dont quinze comme cadiéren, commence par une heure de lecture, aux alentours de 5 heures du matin. Il avale deux bouquins par semaine, et se laisse parfois aller à prescrire des livres sur ses ordonnances. «Pour montrer à mes patients que d'autres traversent les mêmes épreuves qu'eux, et s'en sortent.» Ça ne coûte pas un sou à la Sécurité sociale... Alors, le bon docteur y est allé larga manu : il a prescrit cent livres à tout le village. La faute à la radio. L'an dernier, François Dufour vaque dans sa cuisine lorsque, soudain, son poste lui annonce qu'on cherche des jurés pour le prix du Livre Inter. Le médecin rédige sa lettre de candidature en cinq minutes, plutôt à l'impératif qu'au conditionnel. La Maison de la radio obtempère.

«Grands lecteurs». Revenu emballé de son aventure chez Inter, le Dr Dufour imagine de la reproduire à l'échelle de son village de 4 300 âmes. Dans une formule un peu différente : on prend la c