En 1930, Martín Chambi pose avec sa femme Manuela et leurs six enfants. Chacun fixe l'objectif, sauf la cadette, affichant cette moue contrariée des enfants obligés d'être immobiles le temps du clic-clac. Autoportrait d'une famille heureuse, où personne ne sait que le nom du père entrera dans l'histoire de la photographie. Le Photo Poche n° 95 lui rend hommage en 62 photographies noir et blanc, extraites des années 20 et 30, qui révélèrent la prodigieuse intuition de ce fils de paysans indiens, né en 1891 à Coaza, près du lac Titicaca, mort en 1973 à Cuzco, la capitale de l'empire inca.
Motif floral. Cuzco est le mot magique qui accompagne le destin de Chambi. Il y perfectionne son espagnol (sa langue maternelle, le quechua, est la langue des Incas) et y apprend à porter un costume. C'est là qu'il s'installe en 1920, ouvrant, quatre ans plus tard, au 67 de la rue Marqués, un studio-galerie digne des meilleurs professionnels, ainsi que le décrit Andrés Garay Albújar, préfacier de l'ouvrage : «Le local est couvert d'un toit de verre dépoli, laissant entrer la lumière naturelle qui vient baigner tout l'espace. Elle tombe doucement sur les modèles, projetant peu d'ombres, rehaussant les textures de façon particulière, notamment les grains de peau et les étoffes.» Sa particularité : l'unique toile de fond au motif floral, utilisée tout au long de sa carrière, une distinction qui «permet de répertorier la majeure partie de son travail de studio».
Les clients ? Des Indiens, des Métis