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Libération

Larousse, le maitre mot

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Pour ses 150 ans, la maison d'édition expose le grand oeuvre de son fondateur.
publié le 3 septembre 2002 à 0h50

Début des années 1860. Proudhon (Pierre-Joseph) vient de recevoir les premiers fascicules d'un ouvrage baptisé Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle. Son principal auteur est un certain Pierre Larousse, ancien instituteur. Or ce Larousse tient Proudhon pour «le plus hardi et le plus profond penseur du siècle» et aimerait voir son mentor collaborer au Grand Dictionnaire. Proudhon lui répond : «Je suis satisfait de votre mot ANARCHIE. Lorsque vous en serez aux articles DIEU et PROPRIETE, prévenez-moi.» (1).

3 septembre 2002. Pour fêter ses 150 ans, la maison Larousse fait mousser sa marque, ses dicos et son histoire dans une expo inaugurée au palais de la Découverte. Une belle opération de marketing, lancée dans la période si propice de la rentrée des classes. Englouti par Vivendi Universal en 1998, Larousse court après son passé, nostalgique de ces heureux jours où la maison pouvait se vanter d'un : «On ne dit pas un dictionnaire mais un Larousse.» La concurrence est rude, et on ne drague plus les Proudhon pour remplir les encyclopédies.

Phénomène. Cette autocélébration a cependant une vertu : elle fait remonter à la surface cette oeuvre phénoménale qu'est le Grand Dictionnaire universel. Sont exposés au palais de la Découverte trois de ses quinze tomes (20 700 pages), mais c'est ailleurs qu'il faudra les feuilleter (2). On imagine un gros machin dépassé, indigeste et vétilleux. C'est le contraire : on découvre une oeuvre polémique et politique, littéraire et subjective,