En septembre 1968, la première rétrospective posthume de Max Beckmann (1884-1950) à Paris avait été plutôt mal reçue. Trop «boche» pour une France encore et toujours dans l'ignorance de l'histoire des arts de l'autre côté du Rhin, irrémédiablement taxés d'expressionnistes. Le pauvre Beckmann est pourtant un peintre qui ne fut jamais «expressionniste allemand» ; tout comme il vécut d'ailleurs totalement à l'écart du style international «constructif» abstrait, et fut de même victime du dénigrement idéologique que subirent les artistes «dégénérés» de la part des nazis. Les seuls que Beckmann jugeait dignes de concurrencer étaient les Français : Manet, Picasso et Matisse. Il avait voulu aussi, un temps, se rapprocher des surréalistes, ce qui ne se fit jamais. D'ailleurs il vécut à Paris une partie de sa vie de peintre (1929-1933). Beckmann, quelle outrecuidance : dans les multiples Autoportraits qui jalonnent le parcours de son exposition actuellement présentée à Beaubourg, le peintre ne figure-t-il pas souvent, cigarette à la main ou au bec, en smoking ?
Une tête de marin du Potemkine sur un costume de soirée, telle est l'image décalée qu'on garde de Beckmann. Sous la férule de Didier Ottinger, au Centre Pompidou, la grande expo (comme on parle, non sans emphase, de grande peinture), réunissant sur 25 salles une centaine de peintures, une soixantaine de gravures et 3 sculptures, tente de donner à Max Beckmann sa mesure. Ou plutôt sa démesure. Car l'ambition de Beckmann fut celle