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Libération
Critique

Les voix extrêmes du pansori

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Cette forme de chant traditionnel en solo exige discipline et sacrifice.
publié le 19 septembre 2002 à 1h03

Ce matin, comme tous les matins calmes de Corée, Jeon Jeong-Min s'est réveillée très tôt, au son d'un disque de chant chamanique. La voix lancinante de Yi Kwang Soo, un bol de riz blanc, des assiettes de poissons marinés et d'algues agrémentées du rituel kimchi (piment de chou fermenté) sur la table basse, voilà l'entrée en matière de la journée d'une chanteuse de pansori. Il est dit d'ailleurs que ce chant, spécifiquement coréen, doit être «brûlant, salé, aigre, amer et doux». Sauf que, contrairement aux repas, il peut durer des heures, le pansori étant une sorte d'opéra dépouillé : un seul acteur, une seule voix avec un éventail pour tout accessoire, et une percussion. De ce répertoire ne subsiste plus aujourd'hui que cinq chants. Cinq longues et anciennes fables populaires, transmises oralement de génération en génération, qui ont bien failli se perdre avec l'occupation japonaise (1910-1945).

Blues. Sur le sol chaud du salon, Jeon Jeong-Min s'est accroupie, un tambour (puk) entre les jambes. En face d'elle, sa fille Hyun Soo Seo entonne Sugungga, le chant du palais sous les eaux. Leurs voix gutturales montent, s'affrontent et se fondent dans un lamento âpre. On dirait du blues. La répétition est éreintante pour les deux femmes. Cette cruauté de l'apprentissage faisait la matière en 1993 du film d'Im Kwon- Taek la Chanteuse de pansori, qui a contribué au regain d'intérêt pour le genre en Corée.

On trouve les premières traces de pansori au XVIIe siècle. Ses textes n'ont été t