Il est 15 heures à la Maison de la Radio, siège de l'Orchestre national de France. Kurt Masur revient de la cantine. «Il est là tous les jours dès 9 h 30, ça change de son prédécesseur», balance quelqu'un dans le couloir. A 75 ans, le colosse silésien au regard azur, qui dirige sans partition ni baguette, croit toujours à la musique. Il aurait dû être pianiste. Après deux opérations à la main gauche, il est devenu chef. Des grandes maisons d'opéra (Leipzig et Berlin) au Philharmonique de New York, dernier poste en date avant son investiture cet automne à la tête de l'Orchestre national de France. Parmi ses grands projets, donner en première mondiale l'intégrale des Symphonies de Beethoven dans la nouvelle édition critique de Breitkopf & Härtel. Depuis 1996, des musicologues ont établi des nouvelles partitions à partir des autographes et copies originales. Restent à paraître les n° 1 et n° 9, dont Kurt Masur et l'Orchestre disposent d'une édition manuscrite.
Vous avez toujours milité pour cette édition...
J'ai écrit un article il y a quarante ans, dans lequel je notais les disparités entre les manuscrits, les fac-similés et les éditions Peters et Bärenreiter. Jusqu'à la troisième symphonie, Beethoven semble avoir contrôlé ses éditions. Après, il était trop occupé, ce qui explique le nombre d'erreurs croissant sur les dynamiques et les phrasés, jusqu'à la Neuvième, dont le manuscrit révèle qu'il avait déjà toute la musique en tête, mais que sa plume n'était pas assez rapide pour