Tenue noire, corps enrobé, voix mûrie, Cheb Kader chante avec retenue, hésitant. Puis, se lance, marque du geste le rythme d'un de ses succès, Sidi El-Houari, du nom du saint patron d'Oran, sanctuaire du raï près duquel il est né il y a 36 ans. De retour avec Mani, album tempéré, serpentant entre terre andalouse et sentiers bédouins, il entame sa tournée française, trac au ventre.
Préretraite. Kader n'est pas monté sur scène depuis dix ans. Une période pendant laquelle, malgré son absence, ses airs ont figuré sur toutes les compilations de raï, Khaled et Mami portant seuls la parole du rock oranais. «J'ai ouvert un commerce... Mais ne nous étalons pas là-dessus», lâche Kader pour résumer ses années de préretraite.
Nous sommes au début de 1986, le raï fait son irruption sur la scène internationale par le truchement de deux festivals. L'un présente les jeunes loups oranais à Bobigny, l'autre fait l'anthologie de la même musique à la Villette. La promesse est grande, mais les stars comme Khaled et Mami ne la réalisent pas, le premier sombre dans les cabarets orientaux de Paris-Marseille, le second part effectuer son service militaire au bled. C'est ainsi à Kader, petit beur d'Alsace, où il a rejoint son père à 9 ans, que revient la tâche de tenir la cadence enragée pour le public non communautaire.
Jeune et joli, Kader bénéficie du socialisme multiculturel sur l'air de «touche pas à mon pote». «Je suis allé au Japon et dans toute l'Europe. J'ai fait des dizaines d'émissions télé.