Avant de pénétrer l'aire de jeu, les danseurs se saluent dans l'ombre, entre scène et salle. Ils explorent ensuite le plateau : de simples marches pour ouvrir Under Construction, sans aucun doute l'un des plus majestueux spectacles de Gilles Jobin. Le Suisse ne nous avait jamais laissés en paix, bousculant bien des idées reçues sur la danse, forçant la nudité jusqu'à l'intime, quadrillant l'espace pour une stratégie de champ de bataille, déplaçant des corps, cadavres d'un siècle maudit. Il récidive avec cette pièce spécialement conçue pour le Théâtre de la Ville.
Le salut, la prière en forme d'introduction, calment le jeu avant même qu'il commence. On respire, comme on le fera tout au long de ce spectacle qui aime à traiter les ralentis, les poses, les attitudes. Une fois encore, on est happé par ce qui bouge ou par ce qui va bouger. Car, ici, le mouvement n'est jamais donné comme une évidence, dans ce ballet aquatique si peu mièvre, sans eau qui plus est sauf quel ques bouteilles en clins d'oeil.
Organique. Groupés pour se déplacer en touches de couleur, composant un tableau de Mondrian, solitaires face aux autres ou formant à deux de drôles de couples pieds contre pieds, les danseurs ne s'installent jamais dans une relation durable. Hommes et femmes confondus, ils deviennent des algues marines, des étoiles de mer, des hippocampes. Le chorégraphe ne leur fournit aucun appui (ni à lui-même d'ailleurs, puisqu'il est aussi sur scène) : pas d'accessoire, pas d'histoire, pas de