envoyé spécial à Prague
Un piano résonne dans une loge lambrissée du Rudolfinum, le bâtiment néo-Renaissance abritant le Dvorak Hall de Prague. Les sous-sols ont été inondés cet été, mais livres et partitions furent sauvés à temps. La salle des machines a eu moins de chance, ce qui explique la fraîcheur des lieux. Ce soir, Vladimir Ashkenazy ne joue pas, mais dirige le Czech Philharmonic à domicile, pour la dernière saison d'un mandat de cinq ans. Sa femme ouvre la porte, il quitte le piano et s'installe dans un fauteuil. Sur la table, les sous-vêtements blancs, impeccablement repassés. Dans une heure, il tirera un parti exceptionnel des cordes chaudes et vibrantes, des cuivres incisifs et puissants de cet orchestre de légende dirigé jadis par Dvorak, Mahler, Kubelik, Klemperer, Bernstein et des dizaines d'autres dans la Symphonie n° 2 de Mahler.
Reconversion. Fouillant les détails avec une clarté analytique, mais déployant de longues lignes robustes, Ashkenazy est l'un des rares pianistes à avoir réussi sa reconversion en chef. Ou presque, car il n'a jamais cessé de jouer et d'enregistrer du piano, surtout Rachmaninov, son compositeur fétiche, comme en témoigne un dernier CD de Transcriptions publié chez Decca. Sa femme lui brosse les cheveux, pendant qu'on évoque ce compositeur discuté. «Bien sûr, ce n'est pas le génie de Bach et Mozart. Mais écoutez "les Cloches", la "Symphonie n° 2", ses dernières pièces pour piano, Rachmaninov était en avance sur son temps. Ceci dit,