Alfred Brendel est à Paris. Non pas pour un concert, mais pour donner une masterclass aux élèves du Conservatoire national. A 71 ans, cette dernière légende du piano du XXe siècle avec Maurizio Pollini et Martha Argerich revient sur sa conception de la musique dans le Voile de l'ordre, recueil d'entretiens avec Martin Meyer, journaliste au Neuen Zürcher Zeitung, où l'on retrouve cette alchimie de gravité et de malice, devenue sa signature avec les années. On se souvient de ces mots, ouvrant un portrait qui lui était consacré à la télévision : «Ma carrière est atypique, je ne fus pas un enfant prodige [...], je ne viens pas d'Europe de l'Est, mes parents n'étaient pas musiciens, je ne déchiffre pas vite, je ne sais pas pourquoi j'y suis arrivé.»
Né en Moravie (Europe centrale), Alfred Brendel est devenu l'archétype du professeur à la fois torturé et plein d'esprit, dont les Haydn, Mozart, Beethoven et Schubert sont des miracles de rigueur dans le panache. «Brendel» signifiait «diable» au Moyen Age mais, pour ce pianiste souverain, d'une liberté rythmique et d'une inventivité constante comme en témoignent tous les étés ses prestations salzbourgeoises , «c'est toujours l'intelligence qui contrôle et filtre la passion, distingue l'artiste véritable de l'amateur».
Ce livre ressemble à une autobiographie déguisée.
Non, et je n'ai pas l'intention d'en publier une un jour. Ces entretiens ne révèlent qu'une partie de ma personnalité. Je sais qu'en Angleterre, où je vis, tout le m