D'entrée, on tombe sur une pochette de disque. Le 33 tours, posé dans un coin de la scène, s'intitule Joan Baez in concert part 2. Daté de 1963, il inclut le célèbre We Shall overcome («On s'en sortira»), que la chanteuse entonnait l'été précédent, pendant la marche des droits civiques sur Washington. La chanson deviendra l'emblème de la lutte des Afro-Américains contre la discrimination. Quarante ans plus tard, des milliers d'Américains la reprennent devant les cendres du World Trade Center. Aujourd'hui, Anne Teresa De Keersmaeker se sert de l'album pour son solo Once, une protest dance magistrale, le temps du concert diffusé presque en continu avec des interventions live, applaudissements compris.
Corps touchant. La salle est encore éclairée. Pour le deuxième solo de sa carrière, démarrée au début des années 80 avec Fase (lire encadré), la danseuse chorégraphe arrive sur scène comme elle le ferait dans un studio, se déchaussant avant la première danse. Le silence est impressionnant, profond, comme l'espace démesuré. Des pendillons, une scène creusée à même le grand plateau constituent les seuls éléments du décor. La danseuse cherche ses appuis. Les pieds en parallèle tâtonnent, jusqu'à trouver un franc équilibre. Les cervicales s'échauffent, la tête va à droite, puis à gauche. On le sait, chez Anne Teresa De Keersmaeker, chaque geste est réfléchi, sans être rigidifié pour autant. On le constate une nouvelle fois dès ce début banal, quasi bancal ; une mise en jambes, en quel