Vilnius envoyée spéciale
La neige tombe depuis deux jours sur la capitale de la Lituanie. «Hiver précoce», disent les habitants. Comme en 1812, lors de la terrible campagne de Russie de Napoléon dont 450 000 soldats ne revinrent jamais. Il y a un an, dans un quartier du nord de la ville, un coup de pelleteuse a fait surgir plus de 3 000 squelettes. Des victimes du KGB ou des nazis comme on le crut d'abord ? Des boutons d'uniformes ont parlé : ce sont des soldats de la Grande Armée, morts de faim et de froid, le premier charnier jamais découvert de cette tragique épopée. Aujourd'hui, des immeubles recouvrent déjà la fosse commune. Les scientifiques n'ont eu que le temps de récolter ces témoins de l'histoire en mars et septembre dernier. Ils terminent aujourd'hui une étude anthropologique unique.
«Nous avons surtout des soldats de l'infanterie mais aussi des hussards et des chevaux légers. On trouve sur les os les stigmates de l'équitation : une flexion un peu forcée du fémur.» Rimantas Jankauskas, anthropologue lituanien, désigne le numéro de régiment sur des boutons, des morceaux de guêtre, des pièces de monnaie avec le profil de Napoléon. «Voici un morceau de veste appartenant à un soldat du 61e régiment de ligne, ceux qui marchaient devant», poursuit Olivier Dutour, anthropologue marseillais, appelé en renfort avec son équipe, par le scientifique lituanien. «Nous retrouvons des uniformes français, mais également des Italiens, des Polonais, des Autrichiens...». Dans cette arm