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Libération
Critique

Le phénix du chaâbide la Casbah

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publié le 21 décembre 2002 à 2h13

Taille modeste, large d'épaules, El-Hachemi Guerouabi, 64 ans, est l'un des deux derniers maîtres de ce blues méditerranéen évident et brumeux, convivial et solitaire, le chaâbi d'Alger. L'autre cheikh s'appelle Boudjemaâ El Ankis, 73 ans, et n'a plus la force ou l'envie de déclamer ce chant festif souvent dépressif, à vif comme une blessure. «L'épée de l'amour a percé mon coeur et personne ne s'en est aperçu/Nul médecin ne m'a soulagé», déclame Guerouabi avec une diction parfaite, reprenant un poème centenaire.

Avec le «mandol». El-Hachemi chante la saudade d'Alger, parente du rebetiko d'Athènes né à la fin du XIXe siècle, musique de voyous grecs surineurs. Dans la Casbah années 20, dockers, artisans, frappes font la fête à une nouvelle musique d'obédience arabo-andalouse. Le nouveau genre est une déclamation qui s'inspire de la nouba élitiste née dans l'Andalousie musulmane, mais qui s'exprime dans une musique plus vive et novatrice et dans une langue populaire nourrie de melhoun (poésie marocaine). Le chaâbi porte la parole tourmentée des déracinés échoués à Alger. Ce nouveau tempo adopte banjo, guitare, piano et surtout mandol, mandoline à quatre cordes sèches, emblématique du chaâbi.

«Les étrangers se soumirent/Les jeunes filles se présentèrent comme butin/Acceptant leur défaite, elles se mirent à notre service.» El-Hachemi chante le poème barbaresque Mon voilier lourd de butin en en détachant les syllabes pour les goûter une à une avant de les restituer dans un phrasé pu