A la fin de la Chute (1), pièce ubuesque écrite en 1999, avant les bombardements de l'Otan sur Belgrade, l'auteure serbe Biljana Srbljanovic prêtait à l'un de ses personnages un propos qui, rétrospectivement, semble annoncer la suite : «Sur ce sang, sur ces corps, disait Jovan, le fils de la Surmère de la nation, je vais construire un supermarché de luxe. (...) Je vais combler ce trou et personne, jamais, ne saura ce qu'il y avait ici. Je vais effacer les noms, le passé et la mémoire.» Deux ans après, Supermarché dresse l'amer constat de l'am nésie et de son corollaire, le révisionnisme.
Acuité critique. Créée pour la première fois en France par Christian Benedetti dans son théâtre-studio d'Alfortville après Ostermeier à Vienne en première mondiale en 2001 , la pièce de Srbljanovic frappe par le recul et l'acuité critique dont fait à nouveau preuve la jeune dramaturge (32 ans), qui a choisi de rester à Belgrade.
«Un jour dont on se souvient», tel est le sujet de rédaction que Leo Schwartz propose à ses élèves. La scène se déroule en Autriche, dans une école pour étrangers où le directeur Leo, anciennement Leonid Crnojevic, doit être interviewé par le journaliste local à l'approche du 9 novembre, anniversaire de la chute du Mur. «Que savons-nous de cet événement ?», s'escrime Leo devant sa classe. «Il y avait un mur, puis il est tombé», répond Gamin peu inspiré. Quant à Britta, rédacteur en chef et unique plume d'Image et parole, son attitude tient davantage d'un agent des s