Quand Corneille, jeune chanteur R'n'B d'origine rwandaise, intitule son premier album Parce qu'on vient de loin, on n'imagine pas qu'il pèse ses mots à ce point. Encore moins, quand on le voit draguer dans les rues de Montréal, pour son premier clip Avec classe, titre qui tourne en boucle sur les chaînes musicales. Son disque, sorti avant-hier, rappelle pourtant avec pudeur un des événements dramatiques du XXe siècle : le génocide rwandais.
Le 15 avril 1994, Corneille, adolescent de 16 ans, voit deux soldats fusiller les neuf mem bres de sa famille. Lui a la vie sauve grâce au canapé derrière lequel il a plongé et à la négligence de ses bourreaux : «Je me suis caché longtemps, raconte le jeune homme dans un café parisien. Quand, en juillet, les forces étrangères ont occupé le pays, je suis parti dans la colonne de l'exode. C'était plus sûr, car ceux qui tuaient étaient également placés dans une logique de survie, ils étaient donc moins préoccupés à s'acquitter de leur tâche.»
Plutôt que d'exprimer la colère, ses chansons Seul au monde et Terre traitent du bonheur d'avoir réappris à aimer, de sa terre d'adoption, le Canada, et de l'appétit de vivre. «Ça revient très vite, c'est humain, assure Corneille. Quand je suis parti de Kigali pour le Congo, j'ai dû faire 150 kilomètres à pied, seul au milieu de 100 000 personnes. A Dusseldorf, où j'ai rejoint des amis de mes parents, je me suis dit : "La marche, ça ne va plus être un problème." Pourtant, une semaine après, je n'avais mêm