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Libération
Critique

Rodolphe Burger rencontre «l'Inconnu»

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publié le 15 février 2003 à 22h16

envoyé spécial à Lille

Comment oublier le regard de Lon Chaney, alias Alonzo, gitan privé de bras, lorsque Nanon, la femme qu'il aime, lui annonce son mariage avec Malabar ? Des yeux noirs, juste soulignés de deux ridules qui s'évasent sur les joues, se crispent dans un rire maladif, avant de tourner à l'horreur. Toutes les humeurs humaines sont résumées d'un seul coup d'oeil sur l'écran. Le rire, l'amour, la haine, la mort.

Morale simple. Tourné en 1927, l'Inconnu de Tod Browning est, sous couvert d'une morale simple (l'amour mène à la haine et vice versa), un film d'une cruauté insoupçonnable, d'une finesse et d'une linéarité exemplaires. Sur les images des numéros de cirque ou des coulisses, des infrabasses surgissent, des gimmicks (bruits de projecteurs, tintements) retentissent. Rodolphe Burger reconstitue une bande-son jouée en direct, aussi délicate que les images dentelées de Tod Browning. Pourtant, il n'est pas évident de placer des sons sur un film qui, durant plus de soixante-dix ans, se sera suffi du silence. Moins ambitieux que le Nosferatu de Murnau accompagné par l'ensemble Art Zoyd, l'Inconnu relu par Burger n'en demeure pas moins subtilement orné. Le musicien a d'ailleurs évité le principal écueil de ce type d'entreprise : miser sur l'emphase et combler l'espace. Au contraire, c'est dans un souci du demi-ton que le leader du groupe Kat Onoma plaque ici et là quelques accords de guitares, un sample ou un bourdonnement entêtant.

C'est à la suite d'une commande du