Pendant que Sartre faisait vitrine au café de Flore, quelques mètres plus au nord, très exactement à la perpendiculaire du boulevard Saint-Germain, dans la rue Saint-Benoît, Maurice Blanchot allait dîner chez Marguerite Duras. Philippe Sollers, qui déteste Blanchot et Duras, note plaisamment dans son Année du tigre (Seuil, 1999) : «Il y aurait tout un livre de fond à écrire : les Mystères de la rue Saint-Benoît. Personnages : Duras, Antelme, Mascolo, Blanchot, Claude Roy, Semprun, Mitterrand, et la liste pourrait être plus longue. Toile de fond : le maurrassisme, Vichy, les camps, le parti stalinien français, la gauche, le socialisme, l'humanisme, le milieu littéraire, etc. Duras aura été la pythie de la région, Blanchot son grand prêtre, Mitterrand sa pyramide associée.» Tout le monde connaît Duras et Mitterrand. Blanchot en revanche sera resté jusqu'à la fin un des écrivains à la fois les plus importants et les plus méconnus de la seconde moitié du XXe siècle.
Fascination. Et ce n'est pas malgré lui. Si son oeuvre critique est difficile, ses récits et romans le sont plus encore. Les philosophes qui l'inspirèrent ou qu'il inspira en ont tenté des commentaires : Levinas avec Sur Maurice Blanchot, Foucault dans la Pensée du dehors et Derrida, entre autres, avec Parages puis Demeure. Pour ce dernier, les fictions de Blanchot sont «l'inaccessible comme tel» : objet de fascination, mais d'une fascination qu'elles «n'exercent pas. Elles la traversent, la décrivent, la donnent à pe