«Pourquoi craindre la honte et l'incertitude ?/Sois maudite Raison/Et maudits soient ton Dieu et tous les dieux.» Ainsi s'achève Pylade de Pier Paolo Pasolini (1), charge violente contre la société de consommation qui puise sa force dramatique dans la langue même. Un poème d'une beauté sidérante, par la rage emportée. Pylade est la troisième des six pièces que Pasolini rédigea dans la foulée à la fin des années 60. C'est l'époque où l'auteur cinéaste compare la bourgeoisie à une «maladie contagieuse», s'élève contre le théâtre d'alors la scène naturaliste, mais aussi tout le courant issu de l'oeuvre didactique de Brecht et celui inspiré d'Artaud qui, lui, semble dépassé et revendique un «théâtre de parole». Où le dire, replacé au centre, prend valeur d'action.
Partage. Sur les trois heures et quelque que dure le spectacle d'Arnaud Meunier, créé à la maison de la culture d'A miens, pas un mot ne s'égare en chemin. Le metteur en scène, à peine trentenaire, et ses jeunes acteurs de la compagnie de la Mauvaise Graine effectuent un beau travail de partage et d'éclaircissement du texte grâce notamment à certaines trouvailles pour la représentation du choeur.
Après Stanislas Nordey qui reste l'indépassable découvreur du théâtre de Pasolini en France , il est heureux qu'un autre s'empare de cette oeuvre réputée difficile. Arnaud Meunier, qui fut assistant de Nordey sur l'opéra Tri Sestri (de Peter Eötvös), adresse ici plus qu'un signe à celui qui lui a «mis le pied à l'étrier