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Libération
Critique

Tarkovski au miroir

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publié le 10 mars 2003 à 21h56

Curieux projet : mettre en scène, au théâtre, un scénario jamais tourné d'Andreï Tarkovski. A partir du destin du poète et compositeur allemand Ernst Theodor Amadeus Hoffmann, le cinéaste s'interrogeait sur l'acte de la création, cette manière de faire oeuvre avec sa propre vie d'exaltation et de souffrance, de sacrifice et d'inspiration. Démiurge obsédé par la mélancolie et la douleur de créer, il avait trouvé avec la génération romantique une sorte de cas d'école, citant souvent Kleist, Rilke, Buchner, Hoffmann.

Dietrich Sagert, philosophe allemand et «ancien moine», a suivi ce fil conducteur : un homme seul sur scène (Claude Guyonnet) confronte son désir de créer aux univers mêlés du romantisme et de Tarkovski. Si bien qu'on trouve un peu de tout dans cette heure de spectacle, à la fois simplissime et ultrasophistiquée : sons, dialogues, voix, gestes, rites (pas d'images, heureusement) venus des films du cinéaste russe. Mais aussi le texte de Tarkovski lui-même, scénario resté en jachère, plutôt à pic sur les théories de l'inspiration du poète, et tout à fait verglacé sur son versant génie romantique tourmenté. A cela s'ajoutent les dispositifs vidéo conçus par Sagert, souvent labyrinthiques mais pertinents, telles ces quatre projections juxtaposées du visage du héros lisant une lettre à sa muse, ou encore des jeux de miroirs innombrables permettant de faire vibrer ensemble les gestes du comédien et des situations transposées des films (Andrei Roublev, le Miroir, Stalker,