Dans un train, un type taillé comme un bûcheron griffonne. C'est Jean-Pierre Siméon, un poète (1). Quittant Clermont-Ferrand, où il réside depuis l'enfance, il vient à Paris où se trouvent les bureaux du Printemps des poètes, manifestation (inventée par Jack Lang) qu'il dirige depuis l'an dernier, essayant de passer du fourre-tout aux fragments d'un catalogue amoureux.
Un père fonctionnaire, une mère institutrice, une famille de six enfants. Autodidacte, le père écrit des poèmes (Jean-Pierre Siméon l'apprendra par hasard, à l'âge de 15 ou 16 ans), son frère est peintre, ami des frères Prévert. «Cela a baigné mon enfance. Un des premiers livres sur lesquels je suis tombé, c'est le Tristan Tzara dans la collection Poètes d'aujourd'hui chez Seghers. Je n'y comprenais rien, cela m'a subjugué.» Le père laisse piocher dans sa bibliothèque garnie, comme l'est souvent celle des autodidactes. «J'ai lu goulûment, sans hiérarchie. Aussi bien Kit Carson que Jules Verne, ou Saint-John Perse. Mais mes premières émotions, ce sont des poésies : Au rendez-vous allemand d'Eluard, Apollinaire, Aragon» (le père s'éloignera du parti, mais restera communiste).
Vertige. Siméon veut devenir journaliste, il deviendra professeur agrégé. Entre la poésie telle qu'il la vit et la lit («passionnée, incandescente») et le savoir universitaire, il y a un gouffre. De là, naîtra sa passion pour la pédagogie : «Comment transmettre la poésie sans la trahir ? Je pense qu'il faut faire confiance au