Ce Vent d'est est un vent mauvais, celui qui a emporté du Maroc les vagues d'immigration juive et les a déposées en Israël dans les années 50 et 60, pleines d'espoir et vite abreuvées de désillusions. Cette Chronique marocaine incarne la contre-épopée de ceux que Ben Gourion qualifiait de «poussière humaine». Le documentaire de David Benchetrit et de son épouse, Senyora Bar David, est le contre-film de la saga sioniste qu'une oeuvre comme la Colonne de feu magnifiait à la fin des années 80. Saga dans laquelle les «Marocains» et plus largement les «Orientaux» étaient absents ou figuraient, au mieux, comme comparses.
Camps de transit. Vent d'est est leur revanche et, du coup, le film est dur, parfois injuste, douloureux. Et nécessaire. Parce qu'il rompt un long silence, une occultation de la place qu'ont tenue dans la construction d'Israël ces immigrants jetés d'abord dans des camps de transit, aspergés de DDT (traumatisme encore présent pour nombre d'entre eux), puis rejetés aux villes de la périphérie, aux frontières du pays en guerre. Pour autant, le film a joui d'une diffusion privilégiée à la télévision, à une heure de grande audience. Il a aussitôt déclenché une polémique, qui a fait rage des semaines, sur le thème éculé du «diable communautaire», brandi sans cesse dans ce pays plus divisé et inégalitaire qu'on ne le croit.
Le film reprend de longs témoignages ; certains ont réussi, aucun n'a perdu sa ténacité. Car ce ne sont pas des personnages communs, écrasés : Shlomo B