Jean-Jacques Lebel, artiste :
«Je me souviens parfaitement de la visite d'André Breton dans mon atelier, en 1958, en compagnie de Joyce Mansour. Je lui ai montré quelques tableaux, il a "flashé" sur le mélange de poésie et de textes. Lui-même avait beaucoup pratiqué ce genre d'hybridation. Lors de sa visite, Breton m'avait demandé mon âge, comme si j'étais resté "enfant". J'espère l'être encore.
Il faut dire que j'ai passé ma petite enfance avec lui et Aube Breton. Je fréquentais la même école qu'Aube à New York, où nos familles étaient en exil durant la guerre. André Breton venait nous chercher en alternance avec ma mère. Il voulait toujours nous faire faire un détour. J'ai réalisé plus tard qu'il y avait un aveugle, au coin de Madison avenue, avec un orgue de Barbarie et qui jouait une rengaine sentimentale : «The last time I saw Paris» ; nous ne saisissions pas, Aube et moi, pourquoi les larmes pointaient dans ses yeux, en pensant à Paris occupé par les nazis. Un lion qui pleure, ça ne s'oublie pas. De retour à Paris, la proximité familiale est devenue connivence et amitié, même si je me suis très vite barré du groupe surréaliste. Ma première exposition à Paris s'est tenue chez sa première femme, Simone Kahn-Breton-Collinet. Breton me téléphonait le samedi à 5 heures du matin pour aller aux Puces. Un matin, à Malik, il se précipita sur un tas de croûtes, où dépassait un tableau dont il n'avait vu que la partie haute. J'ai tout de suite compris qu'il voulait l'acheter, car c