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Libération

Chitose, la petite chose qui monte

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publié le 12 avril 2003 à 22h46

Tokyo de notre correspondant

Le duo français Deep Forest est en concert depuis une heure lorsque, pieds nus et parée d'un long drapé soyeux blanc ivoire, la jeune chanteuse entre en courant sur la scène de l'Akasaka Blitz, à Tokyo. La foule est surexcitée. Au Japon, où elle a déjà vendu trois millions d'albums, et ailleurs en Asie, chaque apparition de Chitose Hajime provoque le délire, entretenu par une puissante voix hors norme et des mouvements de corps, catégorie butô. «Une voix comme la sienne apparaît au Japon tous les cent ans», entend-on ici.

Timide. Discrète, timide, la nouvelle diva J-Pop cultive les paradoxes. Dans l'univers souvent kitsch, synthétique et machine à sous du pop nippon, cette antilolita perpétue un genre disparu : le shimauta, littéralement «la chanson des îles». Adulé jadis dans les chapelets insulaires du Kyushyu, de Kagoshima et Okinawa, le shimauta a connu son âge d'or du XIVe au XIXe siècle. Puis il est revenu en force en 1990, grâce au tube du groupe The Boom.

Chitose Hajime est née il y a 23 ans dans ces îles, théâtre de durs combats pendant la guerre, où on vit de la culture de la patate douce et de la canne à sucre. Elle a d'abord remporté les concours folks locaux et maîtrisé le shamisen (instrument à trois cordes). Quand elle parle de son enfance, on pense au dernier conte animé de Miyazaki. «Je n'ai pas senti le poids de l'histoire et j'ai eu la chance de grandir sur une île paisible, empreinte de couleurs et de traditions. Autour de moi, c