Le «caravansérail» : ce n'est, pour le Théâtre du Soleil, pas seulement un titre de spectacle, mais une raison d'être. Sitôt pénétré dans la Cartoucherie, avec ses tentures et ses enluminures, point besoin d'un gros effort pour s'imaginer en Orient, dans une «vaste cour où les caravanes font halte», selon l'une des définitions du Robert. L'autre n'est pas moins pertinente : «Lieu fréquenté par des étrangers de diverses provenances.» De la nature cosmopolite et politique de la troupe du Soleil témoigne la carte de l'Europe et de l'Asie peinte sur l'un des murs. Les zones de conflits y sont représentées par des brasiers.
Démarche inverse. Le Dernier Caravansérail est le troisième spectacle majeur consacré, ces derniers mois, aux réfugiés. Avec Skinner, présenté en octobre au Théâtre de la Colline, Michel Deutsch avait imaginé une fiction autour de quelques personnages dans un camp de transit. En décembre, à la MC 93, Peter Sellars faisait le pari de confronter une tragédie antique les Héraclides d'Euripide avec, en première partie du spectacle, des témoignages d'exilés du monde entier.
Esthétiquement parlant, c'est une démarche presque inverse qu'adopte Ariane Mnouchkine. Son spectacle n'est ni une fiction, ni une juxtaposition du théâtre et de la réalité, mais une théâtralisation du réel. Le Dernier Caravansérail est le fruit de plusieurs mois de voyages et de rencontres avec des réfugiés, de Sangatte à l'Australie. Plus d'une centaine de récits d'odyssées individuelles