Sur le papier c'est un peu surprenant. Qu'est-ce que les peintres du XIXe siècle comme Arnold Böcklin ou Lovis Corinth peuvent bien avoir en commun avec Paul Klee, Georges Grosz ou la photographe Ulrike Ottinger ? Tous ont eu recours au grotesque. Intitulée «Grotesque ! 130 ans d'insolence», l'exposition de la Schirn Kunsthalle de Francfort convie à un étrange voyage dans l'histoire de l'art allemand, suisse et autrichien (le jeune directeur de la Kunsthalle, Max Hollein, étant lui-même autrichien). Car, contrairement au romantisme ou au classicisme, le grotesque n'est pas en soi un véritable mouvement littéraire ou pictural. Puisant ses racines dans l'Antiquité à travers les rites, la danse et le théâtre, le grotesque s'est répandu du Moyen Age à la Renaissance grâce au carnaval, et trouve des défenseurs forcenés à partir du XIXe siècle. En France, par exemple, l'écrivain Théophile Gauthier s'est efforcé de réhabiliter, dans son ouvrage les Grotesques, les «difformités littéraires» et autres «déviations poétiques».
Criminel. En Allemagne, le grotesque s'apparente clairement à une contestation de l'ordre établi. Arnold Böcklin serait ainsi le premier peintre à s'être libéré des carcans esthétiques de la tradition. A la fin de sa vie, Böcklin que l'on pourrait comparer aux Français Gustave Moreau ou Puvis de Chavannes ne cherche même plus à imiter la nature. Ses scènes mythologiques deviennent excentriques, les couleurs abandonnent la réalité. Peint en 1883, Im Meer vaut m