Menu
Libération
Critique

Des airs hérités d'URSS

Article réservé aux abonnés
publié le 7 mai 2003 à 22h54

Non loin de l'agence Tass, du restaurant Sinbad et du conservatoire de musique, dans le vieux coeur du Moscou, on s'enfonce dans la rue que garde une église blanche, c'est le soir, tout se calme, tout devient sombre quand, au pied d'un immeuble comme il y en a beaucoup d'autres, vous remarquez cette simple inscription au-dessus de la porte d'entrée : teatr. C'est là que travaille depuis quinze ans un homme à qui sied la discrétion du lieu : Youri Pogrebnitchko.

Après une dizaine d'années à ravauder sur les scènes de Saint-Pétersbourg, puis trois ans à la tête d'un théâtre dans le lointain Kamtchatka, «Dieu seul sait pourquoi» on l'a nommé dans cet antre moscovite qui appartenait alors aux komsomols (jeunes communistes) et dont il allait faire un théâtre d'Etat, le plus modeste de la capitale. C'est là qu'il vit, loin du monde extérieur, confiné dans ce douillet recoin, quand il ne va pas prendre l'air, le temps d'une tournée à l'étranger.

Cinq ou six rangs de spectateurs font face à une scène étroite dépourvue de rideau où, de spectacle en spectacle, Pogrebnitchko pose ses vieux oripeaux : planches délavées, parois rouillées, robes décaties, tabourets usés, vieux airs. Qu'il bricole du côté de Tchekhov ou qu'il déniche quelque pièce soviétique, mieux que personne, Pogrebnitchko exprime cette réalité russe faite de couches successives qui s'accumulent sans s'exclure. Trop ironique pour être seulement nostalgique, l'homme qui, comme la plupart de ses spectacles, semble toujours