Ce soir, un monument de la musique des deux Congo chante à Paris : Tabu Ley, dit Seigneur Rochereau, est un croisement africain d'Elvis Presley et de Frank Sinatra, un crooner qui a mis le feu aux pistes de danse pendant trente ans. Car sa musique, la rumba zaïroise, adaptée de son aînée cubaine, reste la seule cadence à vocation panafricaine. Née dans les années 50 dans le Congo belge, du côté de Léopoldville, futur Kinshasa, la rumba est le rythme qui fédère tous les publics africains qu'ils soient issus de pays francophones, anglophones ou lusophones.
Chérubin. L'ascension de Pascal Sinamoyi, futur Tabu Ley, commence en 1955 quand il monte sur la scène du Stade du 20 à Kinshasa pour une compétition de jeunes talents. Sa voix de chérubin, venue du chant d'église, langoureuse comme une douce prière, lui vaut le premier prix. Pascal a 15 ans et tient déjà son surnom, Rochereau, du général français Denfert-Rochereau, réponse qu'il a su faire, seul, en classe lors d'une colle. Ses camarades l'ont affublé du nom. «Ça m'a collé à la peau», admet-il. A 19 ans, Tabu Ley intègre le groupe mythique African Jazz, de Joseph Kabasele, le fondateur de la musique congolaise citadine. Trompettes furieuses, guitares en boucles, percussions sèches, la rumba est née, favorisée par la croissance urbaine qui libéralise les moeurs. Kinshasa devient la ville la plus «ambiancée» d'Afrique, avec 500 orchestres animant ses nuits chaudes.
Tabu Ley vole de ses propres ailes quand il accommode la rumba