Ce qui frappait d'abord chez Pierre Restany, outre sa barbe fleurie de Charlemagne moderne, c'était sa voix. Un peu de crécelle, beaucoup d'effets, détachant chaque syllabe, comme pour donner un équivalent sonore de ce qu'est visuellement une oeuvre d'art découplée dans la réalité du monde. Car Pierre Restany était un critique d'art. Peut-être, en France, le dernier critique d'art au sens traditionnel du terme : celui qui, distinguant quelques artistes correspondant à ses principes esthétiques et au grain de l'actualité, les constitue en groupe, leur donne un nom, et les défend mordicus. Le Nouveau Réalisme fut ainsi sa principale création.
Formules magiques. Né en 1930, petit-fils d'une demi-mondaine et fils d'un directeur de la Compagnie marocaine, Pierre Restany passe son enfance au Maroc, puis continue ses études en France, en Italie et en Irlande. Il obtient une licence ès lettres et un diplôme d'esthétique. Militant gaulliste, fonctionnaire au ministère des Transports, il laboure Paris la nuit et les galeries bourgeonnantes, notamment celle de Colette Allendy, veuve d'un psychanalyste, qui reçoit chez elle la fleur de l'art non conformiste. Il bosse pour la revue Cimaise, ses formules magiques essaiment dans les journaux. Depuis 1963, son port d'attache fut la revue italienne d'art et d'architecture Domus. Restany a opéré de ce fait d'innombrables allers-retours entre Paris et Milan, y fondant en 1985 une nouvelle revue, Ars, et y organisant maints événements.
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