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Libération
Critique

«Henry V» ou le roi Tony.

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publié le 3 juin 2003 à 23h15

Un jeune chef d'Etat anglais entraîne son pays dans une guerre à la légitimité douteuse et fait taire les critiques en remportant une victoire éclair. Au cas où les spectateurs n'auraient pas compris l'allusion, le roi Henry V, pour gagner, compte autant sur sa puissance de feu que sur ses talents de communicateur. Ses soldats ont des battle-dress couleur sable, et troquent à l'occasion leur fusil pour la caméra, tels des journalistes incorporés. L'ennemi est héréditaire, même s'il porte un uniforme au style plus irakien ­ béret noir et tunique olive ­ que français.

Azincourt (1415), Bassora (2003), même combat. Telle est la morale de la fable shakespearienne revue par Nicholas Hytner. Le directeur du National Theatre n'a pas résisté à la tentation ­ toujours dangereuse ­ de télescoper les époques et de transformer Henry V, vainqueur de Charles VI et de son parti des Armagnacs, au début du XVe siècle, en un Tony Blair mâtiné de George Bush. Un leader tout à la fois posé et risque-tout, courageux, manipulateur, inspiré et cynique. Cela donne une allégorie sur la guerre moderne, pas moins sanglante qu'au XVe siècle, mais aussi spectaculaire et ludique qu'un match de football.

Adaptations. En Grande-Bretagne, chaque conflit génère sa version de Henry V, dernier volet de la série des drames historiques de Shakespeare. En 1944, Laurence Olivier avait incarné à l'écran un héros churchillien sans peur et sans reproche. Par temps d'ivresse patriotique, il avait même débarrassé la pièc