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Libération
Critique

«Esther», devoir de piété de Racine

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La pièce, commandée par l'épouse de Louis XIV, est reprise à la Comédie-Française.
publié le 7 juin 2003 à 23h18

«L'avenir l'inquiète et le présent le frappe/ Mais plus prompt que l'éclair, le passé nous échappe», dit Assuérus, roi de Perse, s'enquérant du nom de Mardochée, l'oncle d'Esther, qu'il a épousée sans savoir qu'elle est juive alors que son ministre Aman l'a convaincu «de tous les juifs exterminer la race». Mardochée est donc «un de ces captifs à périr destinés,/ Des rives du Jourdain sur l'Euphrate amenés», et Assuérus de renchérir : «Il est donc juif ? ' Ciel ! Sur le point que la vie/ Par mes propres sujets m'allait être ravie,/ Un Juif rend par ses soins leurs efforts impuissants ?/ Un Juif m'a préservé du glaive des Persans ?/ Mais, puisqu'il m'a sauvé, quel qu'il soit, il n'importe.»

Prodiges. C'est Sylvia Bergé, silhouette souveraine, cheveux plaqués en arrière, qui incarne hyperjustement le juste Assuérus dans la nouvelle et excellente mise en scène d'Esther par Alain Zaepffel à la Comédie-Française. L'habit du roi de Perse, avec son auguste traîne, est signée par Renato Bianchi, chef des ateliers de costumes de la maison de Molière qui a fait des prodiges pour l'entière distribution féminine. Laquelle ne comprend pas seulement huit comédiennes mais dix-huit jeunes choristes venues de la maîtrise de Radio France, toutes vêtues d'une large robe de taffetas noir savamment échancrée sur un T-shirt blanc et dont les déplacements en essaims, par petites grappes promptes ou soudain toutes en rond, auraient ravi madame de Maintenon. Car dans les lumières de Joël Hourbeight et