De toutes les facettes de Carmelo Bene, acteur-metteur en scène-cinéaste-écrivain-chroniqueur sportif, mort l'année dernière, c'est l'auteur qui est le moins connu en France. Jusqu'à présent, on ne disposait guère que du lumineux Superpositions, publié chez Minuit à la fin des années 70, où l'écriture de Gilles Deleuze croise celle de Bene. Aujourd'hui, grâce à l'opiniâtreté de son traducteur et ami Jean-Paul Manganaro, Bene commence enfin à se dévoiler vraiment à des lecteurs français.
Concassage. Du performer de génie, amoureux d'opéra et chantre de la «désécriture», qui concassait des pièces entières de Shakespeare en quelques répliques «ce qui est intéressant dans Shakespeare, c'est ce qui n'est pas écrit» , on n'attend guère un fol amour de la chose imprimée. Lui-même, dans Autographie d'un portrait, l'un des deux textes publiés chez P.O.L, semble le confirmer : «L'écrit est l'enterrement de l'oral, c'est le refoulement continu de l'intérieur.»
Carmelo Bene, qui vivait entouré de livres, n'a pourtant jamais cessé d'écrire ; du théâtre, mais aussi de la poésie, des romans, des essais, sans que les frontières entre les genres soient très définies. Plutôt que d'oeuvres en soi, il faudrait parler de morceaux sans cesse retaillés d'un puzzle vivant. Ainsi Notre-Dame-des-Turcs, qui regroupe sous un même titre un premier roman publié ici , un film et une pièce de théâtre, fonctionne comme une succession d'échos. L'écriture, chez Bene, n'a de sens que si elle échappe à la f