En 1960, Arthur Rubinstein, président du jury du concours Chopin de Varsovie, remettait à un virtuose de 18 ans le premier prix, assorti de ce commentaire : «Pollini joue déjà mieux qu'aucun d'entre nous.» La carrière du pianiste milanais, fils du célèbre architecte Gino Pollini, était aussitôt lancée. Les Böhm, Karajan, Abbado, Boulez, Celibidache et Muti allaient s'arracher ce protégé de Michelangeli. Véritable monstre de concentration, de rigueur analytique dans l'approche des oeuvres, et de perfection sonore, dans la lignée de Backhaus et Lipatti.
Que cette rare légende du piano du XXesiècle encore en activité, avec Brendel et Argerich, continue de se surpasser est une évidence. Pour preuve, son dernier enregistrement de sonates de Beethoven, dont l'Appassionata, paru il y a quelques jours chez Deutsche Grammophon. A moins de préférer la poésie d'un Moravec, on ne peut que s'incliner devant la puissance de l'articulation, cette façon de millimétrer les paramètres, de produire des couleurs aussi tranchées, tout en rendant justice à la violence explosive, à l'héroïsme de la partition. Entretien.
Pourquoi avoir tardé si longtemps pour graver l'Appassionata, vous attendiez de livrer l'interprétation définitive ?
Non, j'attendais juste l'occasion de le faire, et ce CD ne reflète qu'un moment donné, certainement pas un absolu. Ma compréhension des oeuvres évolue au gré des expériences. Apprendre que l'Appassionata aurait été inspirée à Beethoven par la Tempête de Shakespeare me r