On y voit Gilles Deleuze réapparaître, «revenir» trois minutes disant : «Qu'est-ce que c'est au juste avoir une idée ?» Et se répondre à lui-même : «C'est quelque chose de rare, c'est une sorte de fête, une idée en peinture, une idée en roman, une idée en philosophie, une idée en sciences.» Deleuze s'est jeté par sa fenêtre bien avant décembre 2001, où l'Académie expérimentale des théâtres procédait à son propre baisser de rideau, au cours de dix jours d'une invraisemblable et (un brin) mélancolique fête à laquelle participèrent plus de deux cents «artistes et penseurs» : dernière salve et salut reconnaissant autant que collectif à une sacrée bonne femme dénommée Michèle Kokosowski, directrice pendant douze années de ce truc paradoxal, une «académie» qualifiée d'«expérimentale» : autant dire un oxymoron.
De l'au-delà. Donc, on voit la bobine de Deleuze surgir d'outre-tombe, et on réaperçoit d'ailleurs maints autres récents habitants de l'au-delà et qui, ici, s'avèrent toujours indispensables, Strehler, Grotowski, Kantor... Car c'est le problème avec les «maîtres» : souvent, au bout du voyage, ils nous faussent compagnie.
Pas d'inquiétude : c'est furtivement que se pointent ici les récents disparus. Il y a quantité de vivants, extrêmement en vie, dans le fervent film composé par le vidéaste attentif Martin Ziebinski à la suite de cent soixante heures de captation de l'ultime fête fomentée par Kokosowski, dite Koko, princesse aux tournesols, dont le père était bottier, juif