Comme chaque année à pareille époque, vous êtes assis dans la salle du théâtre du Conservatoire, l'un des plus beaux théâtres historiques de Paris, l'un des plus doués pour les fantômes. Vous repérez, au quatrième rang, Roger Planchon, l'un des derniers dinosaures fidèles de ces «journées de juin» du Conservatoire national supérieur d'art dramatique, où l'on voit les acteurs de troisième et dernière année à l'heure où ils vont quitter l'école. Dans un mois, dans un an, les noms de certains circuleront, deviendront familiers. Combien ? Qui ? Il y a dix ans, on avait relevé des noms d'inconnus, comme celui de Bruno Putzulu, mais d'autres, qui avaient ébloui, ne donnent plus de nouvelles. Que sont-ils devenus ?
L'après-midi avait été moite et morne. Un premier «atelier», dirigé par Hélène Vincent, avait tricoté des scènes de cinq comédies de Shakespeare. Tous les acteurs avaient fait preuve d'une belle énergie, mais aussi trop nerveuse, trop vaine, qui finissait par se retourner contre elle-même. On cherchait l'être sous l'athlète, la faille d'une identité trouble sous la lisse technique, la figure libre sous la figure imposée. On repérait toutefois Emeline Bayart et Alban Guyon. N'en va-t-il pas des promus du Conservatoire comme du système lycéen lié au bac, «qui produit plus de crétins diplômés relativement adaptés à une société industrielle que de personnes disposant d'initiative intellectuelle, indispensable dans une société post industrielle» (dixit un professeur de philoso