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Libération

Compay Segundo, chapeau bas.

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La star du «Buena Vista Social Club» s'est éteinte à La Havane à 95 ans.
publié le 15 juillet 2003 à 23h56

Le vieil homme plissait les yeux, aspirait une bouffée d'un Cohiba doble corona, s'envoyait une petite gorgée de rhum et faisait remonter ses souvenirs comme du fond d'un puits. «Le jour où le premier avion a atterri à Santiago de Cuba, la ville était en liesse et je me suis perdu dans la foule.» Il avait 7 ou 8 ans. «Je pleurais, les passants me demandaient ce qui m'arrivait ? "Je suis le fils de Manuna, je suis perdu." Quelqu'un m'a finalement ramené chez moi.» Et Compay de fredonner la chanson écrite à l'époque en l'honneur de l'héroïque aviateur Rosillo. Quelqu'un d'autre à Cuba se souvenait-il de ce refrain ?

Compay Segundo emmagasinait, dans sa prodigieuse mémoire, les débuts de l'aviation, l'inauguration de la première route asphaltée, l'arrivée des 78 t, les balbutiements de la radio. Sa grand-mère, Ma Regina, morte à «115 ans» disait-il, était une esclave affranchie. Elle lui avait appris à fumer le cigare avant de savoir lire. Elle-même fumait, avec le côté allumé dans la bouche, sans se brûler. Compay était né avant Edith Piaf, Billie Holiday ou Django Reinhardt. Il était plus vieux que tout le monde.

Barbier. Le 18 novembre 1907, quand Maximo Francisco Repilado Muñoz voit le jour, Cuba a quitté la couronne d'Espagne depuis six ans, pour devenir un protectorat des Etats-Unis. Il naît dans le village côtier de Siboney, près de Santiago, dans l'est de Cuba. A cette époque, les troubadours vont de village en village donner des sérénades, colporter en musique peines de