Dix ans que Terry Gilliam pensait à adapter Don Quichotte. Le livre de Cervantès, avec son vieux fou perdu dans ses délires chevaleresques hors saison, exerçait une puissance d'attraction logique sur l'auteur de Brazil et de Las Vegas Parano. Il a sûrement déjà tourné le film des centaines de fois dans sa tête quand, en 2000, un financement européen, notamment français (René Cleitman) permet de mettre sur pied cette affaire d'importance. 32 millions de dollars rassemblés, soit beaucoup moins qu'il ne faudrait, une équipe technique mêlant Français, Anglais, Italiens, Espagnols, tente à l'économie de trouver une synergie, tandis que Gilliam jette sur des planches à dessin les croquis figurant ses «visions», décors, costumes, marionnettes... On connaît la suite.
Miracle. Le film n'existera jamais, une malédiction s'acharnant contre le projet au point qu'il faudra, après quelques semaines de tournage, décider de tout arrêter. Qu'un tel échec ait pu être filmé relève du miracle. En voyant le documentaire de Keith Fulton et Louis Pepe (qui avaient déjà suivi Gilliam sur l'Armée des 12 singes), on se demande même comment, au plus fort de la crise, le duo contacté pour écrire la légende du film a eu le droit d'en enregistrer jusqu'au bout la Berezina Quixote. Inutile de dire qu'en fait de légende, à quelque chose malheur est bon, puisque Gilliam, cinéaste possiblement énervant à force de fantaisie hénaurme, retire de l'aventure une sorte d'aura de conquistador échoué.
Lost in la Manch