Michael Lemke est professeur d'histoire contemporaine à l'Institut de Potsdam. Spécialiste de la RFA lorsqu'il vivait à Berlin-Est, il est aujourd'hui l'un des principaux spécialistes de l'histoire de l'Allemagne réunifiée.
Où l'Ostalgie prend-elle sa source ?
C'est un phénomène complexe dont la racine la plus forte est la frustration. L'Ostalgie serait moins sensible si les problèmes sociaux n'étaient pas aussi vifs. La confrontation entre le chômage ou le désengagement de l'Etat de la santé, et le souvenir du prix des loyers ou du paternalisme social de la RDA conduit à une situation explosive. Avec le temps, les mauvais souvenirs s'effacent au profit des meilleurs. Mon père a grandi pendant le nazisme. Je lui disais : «Ce devait être terrible.» Il répondait : «Nous étions jeunes et il y avait beaucoup de bons moments.» Les gens ont vécu ici, y ont été heureux, et il serait faux de penser qu'ils se sentaient sans cesse opprimés en RDA. Le «grand frère» de l'Ouest a toujours renvoyé une image négative, même diabolique de la RDA sur le thème : «Vous auriez dû vous défendre, vous avez tout fait de travers, raté votre vie.» Les Ossis se sont sentis insultés, méprisés. Ils ont agi avec l'Ouest comme avec une vieille tante : on reçoit son argent pour Noël, mais dans son dos on la traite de grosse vache.
Combien de temps a-t-il fallu, après 1989, pour que l'envie d'Ouest se transforme en nostalgie de l'Est ?
Cinq, six ans... Le temps de détruire l'illusion sociale créée par la réunif